“Elle a parlé. Et la vie s’est glissée en elle.”
Elle m’avait été adressée par son gynécologue.Pour un bilan cardio pré-conceptionnel, classique à cet âge, surtout avec ses antécédents.
C. avait 41 ans et un secret.
Un lupus connu depuis 5 ans, stabilisé depuis deux.
On a fait les examens, tranquillement.
À la deuxième consultation, je lui ai annoncé que tout allait bien.
“Votre bilan est rassurant.
En cas de grossesse, je pourrai vous suivre sans inquiétude.
J’envoie un compte-rendu à votre gynécologue.
Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis là.”
Et là, elle a craqué.
D’un coup.
Elle s’est effondrée.
Et elle a dit :
“Il est mort la semaine dernière.
Mon oncle.
Ce qu’il m’a fait, de mes 9 à 12 ans…
Je n’en ai jamais parlé à personne.”
Elle a senti que je pouvais l’entendre.
Que même cardiologue, j’avais une fibre humaine.
Peut-être un peu psy.
Et à partir de là, tout a changé.
Elle a été prise en charge, vraiment.
Sur le plan psychologique.
Sur le plan immunitaire.
Et moi, je suis resté là, à suivre son cœur.
Non plus pour autoriser une grossesse,mais pour accompagner le retour de la vie.
Quelques mois plus tard, elle est tombée enceinte.🫄
Une grossesse tardive, précieuse, suivie de très près.
Et quelques mois encore plus tard…
Elle a donné naissance à un enfant,un garçon,une symbolique forte !
Elle l’a prénommé Lior.
En hébreu, cela signifie :
“La lumière m’appartient.”
Ce jour-là, il n’y a pas eu que la naissance d’un enfant.
Il y a eu la réconciliation d’un corps et d’une mémoire.
Et la mère de Lior est devenue celle qui a parlé,celle qui a trouvé la lumière.
👉 Ce n’était pas une guérison.
C’était une libération.
Un corps qui cesse de se défendre.
Une mémoire qui cesse de s’enfouir.
Une vie qui, enfin, se déploie.
🔬 La science le confirme.
• Une étude majeure (Dube et al., Psychosomatic Medicine, 2009) menée sur plus de 15 000 adultes montre que les violences subies dans l’enfance augmentent de façon significative le risque de développer une maladie auto-immune, notamment le lupus.
• Une étude longitudinale (Danese et al., PNAS, 2007) démontre que les personnes ayant subi des maltraitances dans l’enfance présentent à l’âge adulte des niveaux d’inflammation durablement élevés.
• Une revue récente (Deighton et al., Frontiers in Immunology, 2021) décrit les mécanismes biologiques par lesquels le stress post-traumatique peut favoriser l’apparition ou l’aggravation du lupus.
👉 Quand on prend le temps d’écouter,quand les patients sentent qu’ils peuvent parler,
ils déposent parfois des choses très profondes,qui n’ont jamais été dites,mais que leur corps, lui, portait depuis longtemps.
On croit interroger un cœur.
Et on met au jour des cicatrices invisibles.
C. ne cherchait pas une autorisation.
Elle cherchait un endroit pour déposer son histoire.
Et à partir de là…
… le vivant a refait surface.
Hôpital Américain de Paris